Ford, General Motors, Cohen et la guerre, 32

Hier zago, avant qu'elles ne soient investies par des boat-people incompréhensibles et sans gêne, vendeurs de minces T-shirts imbéciles de provenance indéterminable, il y avait sous les arcades de la rue de Rivoli, du côté de Washington Tremlett, une petite boutique, J.C.d'Ahetze, shirt-maker. le nom, si chic, à quinze ans, me plaisait.

Just another flash-back. A 12 ans, à Condorcet, je rêvais de m'appeler Cohen. Je ne rêvais pas d'être juif, je ne savais pas ce que ça voulait dire, simplement m'appeler COHEN; ce nom sonnait bien, sec, comme une trompette. En 1942, m'appelant Cohen, j'aurais su ! Quelle idée, d'autant que je ne connaissais aucun Cohen, même au Racing !

D'Ahetze, le chemisier avait breveté une chemise en oxford avec une cravate du même tissu, coupée-cousue avec le col, qui se nouait en un petit noeud-papillon. Idée un peu tordue, mais plus séduisante que la cravate dite "à système" de Monsieur Gazier, mon professeur de 4ème, latin-grec: morceau de celluloïd recouvert par un noeud tout-fait, le tout s'accrochant dans un col également en celluloïd, amovible, ainsi que les manchettes idem et idem. 

Cet homme que je n'ai pas vu sourire souvent, avec son veston noir, ses bottines, son pantalon rayé, portait un pince-nez, comme le 26ème Président des Etats-Unis, Théodore Roosevelt.

Monsieur Gazier était un "prof" traditionnel, oui, mais respecté.
Les chemises aux cols mous de Brooks Brothers, 346 Madison Avenue, 10001 New-York, N.Y. ( Est.1818), ne sont pas encore là, avec leurs pointes boutonnées (button-down) pour résister au vent, et inspirées par celles des joueurs de polo anglais. L'élitisme n'est pas prêt de me lâcher.

A la même époque, REARD, quel nom lourd à prononcer, lançait le maillot de bain blanc imprimé de premières pages de journaux; puis il lancera et brevettera le premier bikini. Réard faisait déjà circuler dans Paris une voiture publicitaire carrossée en canot automobile, bleu et blanc, très Cannes 1930. 

Tandis que FASHIONABLE - si on veut ! - sur les Boulevard créait le maillot de bains avec impressions léopard pour culturistes et bellâtresses des plages populaires de grande banlieue, joyeux Eldorados du dimanche. (Salut à Marcel Carné, Nogent, 1929; salut à Claude Melki, "Pourvu qu'on ait l'ivresse" de Jean-Daniel Pollet, 1957).

1938, dernier été à Saint-Tropez, Hôtel de la Pinède. Plus de grand'Père, plus de villa, plus d'enfance. Hitler gesticule, et profite du congrès de Nüremberg, fabuleuse mise en scène militaire de masse, immortalisée par la géniale Leni Riefenstahl, pour annoncer sa détermination de délivrer les Allemands des Sudètes du prétendu joug tchèque. 

D'intimidations en tergiversations, de bluff en ultimatum, nos alliés tchèques seront bientôt abandonnés par les lâches accords de Münich (30 septembre 1938, 1 heure 40  du matin). Les cons foireux, à courte vue, se réjouiront d'une paix en apparence sauvée et d'échapper à un nouveau conflit. Délirants, ils acclameront un Daladier soulagé, certes, mais honteux, et qui s'attendait à des huées, à ses yeux, méritées.

Henry de Montherlant écrivit alors: "Sur le demi-cadavre d'une nation trahie, la France est rendue à la belote et à Tino Rossi".

Winston Churchill, lui, dira: "Vous vouliez éviter la honte et la guerre, vous avez l'une et vous aurez l'autre." En effet, Hitler avala et dépeça sans mal la Tchécoslovaquie, puis envahit la Pologne. Et la France, après l'Angleterre entra dans la guerre "à reculons", le 3 septembre à 17 heures...

Albert Speer, le remarquable chef -impuni- de l'armement nazi, déclara en 1977 qu"Hitler n'aurait jamais envisagé d'envahir la Pologne" sans la technologie du carburant synthétique, procurée par General Motors, ni celle du caoutchouc synthétique et autres matériaux stratégiques basiques, et de substitution, procurée par...Ford ! Ford et G.M. étaient implantés en Allemagne dès 1920, et leurs filiales allemandes fabriquèrent du matériel militaire pendant toute la guerre à l'insu (..?) des maisons-mères.

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