Histoire du journal Libération 61

Mais surtout, de 1948 à 1949, j'avais du supporter la dictature professionnelle des "progressistes", communistes de salon qui n'osent pas dire leur nom. Les barbares de "Franc-Tireur", journal para-communiste issu de la Résistance, s'étaient emparés du libéral "Libération", grand journal de la Résistance et de l'après-guerre où je débutais dans le journalisme (Carte de Presse N°533).
J'avais subi la mauvaise foi proclamée des Valois, des Guignebert, leur goût pourri, leur religion du nivellement par le bas, hypocritement près du peuple, ainsi conservé dans une salutaire médiocrité, endormi, manipulé, donc, en réalité méprisé.

Les Manevy, les Launay, les Massip, les Tournoux m'avaient appris tout le contraire. Jusqu'à leur départ, en larmes, nous avions fait, dans le bonheur, un beau journal, contenu et contenant, élégant, bien écrit, parfaitement honnête, un modèle. Et qui ne bouillonnait pas ! Je les haïssais, ces marxistes de carnaval aux talons rouges, je les méprisais.

 J'avais refusé de faire la mise en page démagopopulo, catalogue de caractères, qu'ils exigeaient pour remplacer la - pour eux et leurs clients - trop distinguée maquette précédente et prétextait que je ne savais pas faire autre chose, ce qui, entre () était vrai ! Alors je fus mis dans un douillet placard, chef du service photo, deux gentils photographes, quatre heures de travail par jour. Et ils me foutaient la paix.

Je fus soulagé quand, à mon tour, je fus chassé, parce que je n'avais pas l'esprit maison. J'ai fait alors remarquer, en prenant un maigre chèque d'indemnités sur la Banque de l'Europe du Nord (coco), que c'étaient eux qui étaient venus dans ma maison, avec leur mauvais esprit, pour faire un journal de merde, perfide, encore plus borné et péremptoire que l'"Huma", encore plus mal présenté et vulgaire que le "Parisien Libéré".

Je ne regrettais qu'une femme bien, Madeleine Jacob, une grande chroniqueuse judiciaire, intègre, affectueuse et Jacky Derogy, un remarquable et courageux enquêteur qui aimait, comme moi, les chansons de Francis Lemarque.
"Libé" est mort, Madeleine et Jacky aussi.  

C'est loin tout ça.

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