Sissi l' impératrice à Sassetot-le-Mauconduit 6


Avant 1875, les PETITES DALLES ne sont qu’une prévisible, mais charmante plage de galets de plus, entre Fécamp et Saint Valery en Caux. Pêcheurs, naturellement, et quelques hardis baigneurs. Il y a un hôtel, un Casino (en bois), et de nombreuses cocasses villas, appelées « châlets » dans le style tarabiscochic du palais usine de la « Bénédictine », à Fécamp (à voir absolument). 


Cette folle et gigantesque, mais néanmoins remarquable construction, est le chef d’œuvre de Camille Albert, architecte émule d’Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc. Mi Gothique, mi Renaissance, c’est le mariage disneylandien réussi des fantasmagories de Louis de Neuschwanstein II de Bavière et des raffinements de François 1er.

Le 31 juillet 1875, Elisabeth, Impératrice d’Autriche, reine de Hongrie, et son lit de fer, arrivent à Sassetot-le-Mauconduit, dont elle investit le château XVIIIème avec sa suite de 75 personnes et son charme irrésistible. Sissi mesure 1 mètre 72, pèse 45 kilos et fait 51 centimètres de tour de taille, elle est superbe !

Avec elle, Marie-Valérie, sa fillette de sept ans, sa « Chérie », son « Unique », pour qui elle est venue chercher le vivifiant air iodé. Cette fragile enfant n’en aura pas moins, ultérieurement, dix enfants de l’Archiduc François-Salvator de Toscane. « Vielen Danken, Ô Algues de la Manche ! »

Pour Sissi, ce sera enfin la liberté loin de la Cour, le cheval jusqu’à l’épuisement,  les bains de mer aux Petites Dalles, sans la sotte cabine de bains spéciale en bois verni, au long couloir de toile, qui la dissimula, un jour, un jour seulement,  aux regards indiscrets. Avec son chien « Shadow » elle se met à l’eau avec tout le monde ; elle nage, heureuse et libre au milieu des gens. Sportive, bronzée, elle adore se mesurer aux tempêtes en pleine mer. Elle invente la musculation, la thalassothérapie.

Femme sublime, certes, mais triste, insatisfaite. Son beau mari, Empereur, brutal et « nul » la nuit, lui a fait haïr l’amour physique. Son dégoût de vivre, sa frigidité, sont incurables, car elle lui est fidèle ; ne disait-elle pas à la veille du mariage : « Bien sûr que je l’aime, comment ne l’aimerais-je pas! » Puis éclatant en sanglots : « Si seulement il n’était pas empereur ! » Etrangement, elle collectionne les photos des plus belles femmes de son époque…et des femmes de harem !

Aimant les gens simples et robustes, généreuse, elle quitte à regret la Normandie le 24 septembre. Le Château de Sassetot, les « villas » éternelles en silex, l’horizon aux couchers de soleil miraculeux des Petites Dalles sont à jamais imprégnés par la grâce éphémère d’une Fée d’avant-garde au destin solitaire et tragique.

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